Ma première rencontre avec Eugène CIZEK remonte à 1970, à Bucarest, à l’occasion d’un congrès consacré au ” latin vivant “, sous l’effrayante dictature de Ceaucescu. Avec Raoul VERDIERE, le philologue belge bien connu, nous eûmes alors l’idée de créer une société dont le but serait d’étudier sous tous ses aspects l’époque d’un autre despote, au règne duquel nous nous intéressions en commun, ce Néron dont la tradition a conservé une image plus ou moins déformée.
C’est ainsi que naquit la Société Internationale d’Etudes Néroniennes, qui, au cours des ans, et gràce à l’action déterminante de son premier président, Mario Attilio LEVI, acquit une audience croissante, organisant des colloques périodiques, dont le plus ancien date de 1974 et dont le huitième vient de dérouler à Paris.
Eugène CIZEK fut donc l’un des premiers artisans de cette fondation. Il venait à l’époque, de soutenir brillamment sa thèse, intitulée l’époque de Néron et ses controverses idéologiques, qui fut publiée en 1972 par R. VERDIERE dans l’éphémère collection Roma Aeterna. Cet ouvrage qui fit date marqua le début d’une intense activité intellectuelle qui se manifesta sous la forme de nombreuses publications, presque toutes en langue française, dont l’époque de Néron constituait l’objet principal. Outre son Néron (paris 1982), livre de référence pour tout historien de l’époque impériale, il faut, sans prétendre à l’exhaustivité, citer son étude sur Trajan et son temps (parue en roumain à Bucarest en 1980 et traduite en français en 1983), ainsi que celle qu’il consacra à Aurélien (Paris 1994). Deux autres ouvrages, plus généraux et synthétiques, témoignent de sa profonde connaissance du monde romain, dans le domaine institutionnel et politique : Mentalités et institutions politiques romaines (paris 1990) et Histoire et historiens à Rome dans l’Antiquité (Lyon 1995). Il était aussi l’auteur de très nombreux articles et comptes rendus dans les revues savantes.
Il aimait venir en France, où il trouvait un souffle de liberté et des moments de réconfort, à l’époque où son pays souffrait, sous la chape de plomb d’un pouvoir ubuesque. C’est ainsi qu’il fit plusieurs séjours à Lyon et à Paris, où il noua de solides amitiés. J’eus le plaisir de l’accueillir à Clermont à diverses reprises, en compagnie de son épouse Olga, artiste peintre de renom, pour des conférences ou soutenances de thèses.
La disparition de ce savant de renommée internationale laisse un grand vide dans la communauté universitaire et plus généralement scientifique. J’adresse à sa veuve et à ses proches l’expression de ma profonde et amicale sympathie pour cet homme de grande qualité à qui me liait une sincère amitié.
Jean-Michel Croisille
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